Vallée de Passy : inventer un tourisme responsable au pied du Mont-Blanc
À la tête de l’office de tourisme de Passy depuis un an et demi, Léon Fuchs s’impose comme une voix singulière dans le paysage touristique du Pays du Mont-Blanc. Avec un parcours international marqué par la recherche, l’écotourisme l’interculturel, il défend une vision ambitieuse : faire de Passy un territoire d’expérimentation et de transition pour un tourisme plus responsable.
Un parcours façonné par la durabilité
Originaire d’Alsace, Léon Fuchs a d’abord étudié en Suède, avant de partir en Finlande travailler sur l’anthropologie du tourisme, puis en Norvège dans l’écotourisme. Ces expériences l’ont profondément marqué :
« A l’étranger, notamment en Laponie, j’ai de plus en plus été attiré par les questions de durabilité, de transmission et de relation au territoire. À Passy, j’ai trouvé un terrain idéal : une ville de montagne atypique, à la fois industrielle, résidentielle, culturelle et naturelle, qui oblige à penser autrement l’attractivité. »
L’office de tourisme qu’il dirige compte six personnes. Elles couvrent un large champ d’action : accueil, promotion et communication, événementiel, commercialisation. Mais pour Léon Fuchs, la fonction ne se limite pas à ces missions classiques. « Un office de tourisme n’est plus seulement un promoteur. Il doit aussi éduquer, sensibiliser et fédérer. »
Une ville moyenne tournée vers la montagne
Avec ses hameaux dispersés entre 500 et 2 900 mètres d’altitude, Passy n’est pas une station comme les autres. Son panorama unique sur le Mont-Blanc attire, mais la commune veut montrer qu’elle offre bien plus.
« Passy est une ville d’une grande diversité sociale et économique. Il y a les zones industrielles, les anciens sanatoriums, les hameaux perchés… Cet assemblage rend le territoire passionnant, mais aussi complexe à valoriser. »
Sensibiliser et coordonner
La stratégie de l’office repose sur une conviction forte : impliquer habitants, acteurs économiques et visiteurs dans la transformation touristique. L’équipe collabore avec la réserve naturelle de Passy pour promouvoir les bonnes pratiques en montagne. Elle organise aussi les rencontres du tourisme, moment de dialogue entre professionnels.
« Nous sommes un lieu de coordination. Notre rôle est de mettre autour de la table des acteurs publics, privés, associatifs, pour réfléchir ensemble à l’avenir du territoire. Nous échangeons autour de plusieurs modèles de développement possibles, évoquons différents scénarios prospectifs et essayons de recueillir leurs besoins, leurs craintes et leurs aspirations pour orienter nos actions futures. »
Mobilité et climat : les deux grands défis
Deux enjeux dominent les réflexions : la mobilité et le climat.
Sur la mobilité, le constat est simple : la voiture reste ultra-dominante. Mais la communauté de communes a lancé des initiatives : bornes de recharge, location de vélos et de voitures électriques, réseau de bus à bas coût…. « La mobilité est notre défi majeur. Il faut réussir à inventer des solutions adaptées à la montagne, sans freiner l’attractivité. »
Quant au climat, les signaux sont déjà visibles : sécheresses, incertitude liée à la neige, recul des glaciers, éboulements. « Nous vivons le changement au quotidien. Le tourisme doit s’adapter, non pas dans dix ans, mais dès maintenant. »
Des événements repensés
Parmi les actions concrètes, le Trail du Tour des Fiz symbolise cette évolution. Autrefois pensé comme un grand événement sportif, il a été réduit en taille pour limiter son impact et améliorer la qualité globale.
« Nous avons choisi de faire moins, mais mieux. L’objectif est de sensibiliser les pratiquants et de valoriser les paysages, les milieux naturels, les refuges, les produits locaux, les mobilités douces… Parmi les bonnes pratiques : fin des courses nocturnes, nombre de coureurs limité en Réserve Naturelle, navettes coureurs obligatoires, collaboration avec un foyer d’hébergement pour personnes en situation de handicap, prestataires locaux, dons financiers et alimentaires… Nous travaillons aussi à intégrer un bilan carbone, car chaque événement doit désormais rendre compte de son empreinte. »
Trois axes pour l’attractivité
Pour structurer son action, Léon Fuchs et son équipe ont défini trois piliers :
- La nature et les panoramas, pour la grande diversité d’activités de plein air, du parapente au rafting en passant par le ski, lorsqu’il est possible.
- Le patrimoine culturel et artistique, avec des atouts comme l’église du Plateau d’Assy et la route de la sculpture contemporaine.
- La vie locale et associative, qui fait de Passy une commune animée toute l’année, et pas seulement une destination de saison.
Une communication plus responsable
Le directeur insiste aussi sur la nécessité de renouveler les pratiques de communication.
« Nous devons éviter la surenchère d’images spectaculaires qui attirent des foules sans préparer leur venue. Nous ne valorisons plus certains sites à certaines périodes. Notre objectif est de communiquer de façon plus responsable, en insistant sur la préservation des milieux naturels, les bonnes pratiques en montagne, la qualité de vie, l’authenticité et l’accueil. »
Il regarde d’ailleurs ce qui se fait ailleurs en Europe, notamment dans les pays nordiques, où les offices de tourisme valorisent les impacts positifs du tourisme – retombées économiques, création de liens sociaux, préservation du patrimoine – plutôt que les seuls volumes de fréquentation. L’initiative récente de tourisme régénératif de Copenhague est notamment citée en exemple, avec des visiteurs récompensés lorsqu’ils réalisent des écogestes (1 tour en catamaran offert pour ceux qui ramassent des déchets dans le port, 1 location de vélo pour ceux qui viennent en train…).
Vers un tourisme équilibré
À travers ses projets, Léon Fuchs cherche un équilibre subtil : « Il faut rester attractif tout en étant responsable. Notre mission est de garantir un tourisme à taille humaine, qui bénéficie d’abord aux habitants et qui respecte la montagne. »
Une ambition à la fois réaliste et visionnaire, qui pourrait bien faire de Passy un modèle de transition pour les territoires de montagne confrontés aux mêmes défis.